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Anaïs Chartier, une plume, des histoires...
Anaïs Chartier, une plume, des histoires...
1 janvier 2011

Incipit

J’ai toujours su que ça se terminerait comme ça. Comme ca, et pas autrement. C’était bien net dans mon esprit.

C’était comme quand on va voir un film au cinéma, alors qu’un abrutis nous a déjà annoncé avec un air d’autosatisfaction le dénouement de l’intrigue. Je savais, mais je ne pouvais me résigner à ne pas voir. Dans le cas de l’abrutis fini, ne pas voir signifie ne pas aller au cinéma, tout simplement. Dans mon cas, c’était plus délicat car, ne pas voir, c’était commettre mon suicide. Par “ se terminer comme ça ”, il faut entendre “ mal finir ”.

Je me la suis longtemps cachée ; au fond, la vérité me faisait peur, et un peu mal, aussi. Pour tout le monde, le but ultime consistait en se marier et avoir beaucoup d’enfants, en vivant le plus longtemps possible en prime (autant prolonger le bonheur et me le balancer en pleine face). Mais pas moi. Je vivais reclus, par choix, parce que j’avais constaté que la vie de couple n’était pas pour moi. Difficile d’avoir une progéniture dans ces conditions extrêmes.

Pourquoi fallait-il que ça finisse mal ? Pourquoi moi ? Qu’avais-je fait, pour déclencher pareil cataclysme ? Mais même si je me pose ce genre de questions métaphysiques, il me semble que je n’ai jamais douté que ma destinée serait terrible, et - malheureusement pour moi - néfaste. Me questionner, c’est inutile. C’est trop tard : les dés sont jetés, les jeux sont faits. J’ai été choisi et c’est comme ça : je n’y peut rien si on - qui “ on ” ? qui a osé ? - m’a élu, et collé en prime l’ignoble tâche qui aurait très bien pu être dévolue à un autre innocent - j’aurais préféré.

Les trompettes de l’Apocalypse peuvent sonner dans ma tête à n’importe quel moment ; je sais qu’à cet instant je ne pourrai plus reculer, et qu’il me faudra accomplir ma mission.

Innocent : le mot est lâché. Je cris “ innocence ”, comme le bêlerait l’agneau qui vient de naître. D’ailleurs, je suis un agneau, l’agneau du sacrifice. L'agneau pascal est le symbole du sacrifice fait par Abraham suite à la demande de Dieu. L'agneau représente sa soumission à la volonté de Dieu puisqu'il était prêt à sacrifier son propre fils si Dieu l'exigeait.

Voyez l’horreur.

***

Je sais bien que je vais passer pour un monstre hideux, une ordure, un salaud, une espèce de fou furieux, après ce que je vais être dans l’obligation de déclarer ; cependant, on ne devrait pas me juger sans savoir. Il faut un individu de mon espèce par génération - un étant le stricte minimum. C’est tombé sur moi : la faute à pas de bol. J’ai eu comme qui dirait le gros lot. Il a fallut que ce soit moi qui me coltine le sale boulot : c’est déjà terrible, à chaque jour suffit sa peine. Et quand on connaîtra mon histoire, on me comprendra. Ce n’est pas moi qui ai commencé ; on m’a poussé à faire cela. Moi je n’ai pas choisi d’être le monstre. Mais si ça peut en consoler certains, ma “ victime ” n’est pas si victime que cela. Il ne faut pas se fier aux apparences : la vrai victime dans l’histoire, c’est bien moi.

J’ai toujours su que je récolterai la macabre besogne, donc. C’était flou, au début : je savais que ça se présenterait mal pour moi, mais l’objet de l’action était encore très vague. J’aurais pu devenir délinquant juvénile, mais il m’est vite apparut que finalement non, je ne serai pas la jeune ordure qui se fout de l’autorité. J’aurais pu être pyromane et créer de grands bûchers flamboyants, aux braises rougeoyantes ; ce serait faire fi de ma sainte horreur du feu que de penser cela. Récemment, j’ai eu la révélation. La clef du mystère qui est mien depuis ma naissance. Et il se trouve que la macabre besogne, c’est d’occir.

Je vais devoir tuer un homme.

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