[L'ombre de la tombe] Premier extrait
Waterloo et les Invalides, tout ça sur (à peine une semaine)!
Ca n'est même pas un fait exprès. Aujourd'hui, je suis rentrée en Allemagne (et je vous écris de ma chambre, d'où j'ai enfin Internet, c'est la bonne nouvelle du jour). Je suis partie de Bruxelles-midi, arrivée à Frankfurt Hbf (Hauptbahnauf, pour ceux qui ne connaissent pas). Pour arriver à Bruxelles, on passe par une morne plaine. Mais j'ai eu beau me dévisser le cou, tourner ma tête dans tous les sens, je n'ai pas vu la butte du lion (ou au lion?)
Enfin, tout cela pour dire que j'ai décidé de poster un extrait du roman (tant attendu, tadaaaaammmmm) : L'ombre de la tombe.
Pourquoi L'ombre de la tombe? Parce que c'est mon roman, et que, tel le capitaine d'un boeing, je suis seul maître à bord... Non, plus sérieusement, je n'expliquerai pas le titre. Pas parce que je n'en ai pas envie, pas parce qu'il n'y a aucune explication, et qu'il aurait été pondu sans réflexion ; mais parce que je veux que vous compreniez par vous-mêmes, chers lecteurs.
***
Le dôme des Invalides avait un éclat terne dans la nuit. La bâtiment, d'ordinaire blanchâtre, rayonnait d'un gris sinistre. Du reste, aucune étoile dans le ciel noir d'encre. On entendait le vrombissement des voitures au loin, mais aucune ne se risquait de ce côté-ci de Paris. Il semblait que le bâtiment repoussait les badauds, de par sa solennité. La flèche du dôme semblait vouloir fendre le ciel, comme une dernière attaque de son occupant. Le bâtiment était éclairé d'une lueur orangée, teinte du feu, de la poudre, de l'assaut. Couleur spectrale qui irradiait dans la nuit. Non, personne n'allait rôder par-là.
Elle avançait, seule, bornée par sa mission. Elle n'était pas grande ; contraste saisissant avec l'Hôtel des Invalides. Elle en était maître et ouvrière. C'était elle qui avait prévu ce coup, coup de maître, coup d'éclat. Demain à la même heure, la France aurait une Vérité, de celles qui déchirent une nation, qui ébranlent un peuple, qui illuminent les esprits ; demain à la même heure, la France saurait. Elle en était sûre. Elle ne pouvait pas échouer. Pas maintenant. Et puis, c'était impossible : elle était sûre qu'il veillait au bon déroulement de son opération. Il la protégerait, comme il l'avait toujours protégée. Il était la bonne étoile de cette âme hardie, farouche, elle qui lui ressemblait tant. Elle contourna l'édifice, escalada la grille. Les branches des buissons la griffaient au visage et aux mains. Le vent de mai faisait voler ses cheveux châtains. Elle arriva au sommet de la grille. Agile comme un chat, elle sauta à terre. Puis elle avança, en prenant soin de rester dans l'ombre pour ne pas être vue. Elle s'élança vers la façade, en tâchant de faire le moins de bruit possible en courant sur les pavés. Elle se cachait derrière les ifs, lorsqu’une patrouille de police passait. Ces patrouilles sont bien visibles. Même de jour, la grille est surveillée par des uniformes, dans une guérite. Mais rien n’est plus facile que de les contourner ; ils sont là pour faire peur, s’était-elle dit, pour faire croire que la surveillance était active. Je suis ici sans encombre : en réalité, c’est un énorme bluff. Elle passa sur le côté, et avisa la petite fenêtre protégée de barreaux. Arrivée à la fenêtre, elle cassa un carreau et ouvrit l'espagnolette. Des barres de fer entravaient le passage ; mais elle était munie d’une lime. Des vieux barreaux n’allaient pas foutre en l’air son plan d’attaque. Quelques gouttes d’huile de coude furent nécessaires. Mais, au bout de cinq minutes, elle put retirer deux barres. C’était bien suffisant : fine, elle passa sans encombre. Le verre brisé lui écorcha la main au passage : son sang coula le long de son bras et tomba sur le sol, en petites traînées. Elle sauta par la fenêtre. Elle était parvenue dans une petite remise, pleine de cartons, de balais et de poussière. Elle trouva la porte, et tourna la poignée. La porte n’était pas fermée à clef. Ce fut alors une évidence pour elle : il voulait que son plan fonctionne. Elle retint son souffle et entra dans le hall d'entrée, sans encombres. Son plan se déroulait à merveille. Elle s'arrêta et regarda son sang, rouge sur le sol blanc. – Courage, bientôt, le peuple saura, dit-elle, comme si l'hémoglobine eut été une personne. Elle continua vers le centre. La Lune éclairait la vaste salle de l‘église. La lumière lunaire était spectrale. Dans les chapelles, les tombes de grands hommes ; Turenne, Vauban. Elle avança ; pas le temps de traîner. Soudain, elle le vit. Le porphyre rouge. Le granit vert des Vosges. Le marbre noir. Un cercueil orné de trois types de pierres. Pierres des empereurs. – Pfff... fit-elle, en secouant le tête. Elle surplombait le cercueil. La lumière nocturne rendait l’endroit fantasmagorique. Pour qui a pénétré ce temple en plein jour, le tombeau de l’empereur a du dégager une aura grandiose. La nuit, c’était terrible. Et elle descendit l'escalier de marbre. Elle enjamba les murets de marbre. Elle hésita à fouler le sol de marbre. Les inscriptions des victoires, Austerlitz, Moscowa, Marengo, lui faisaient peur. Elle vit les lauriers. Elle haussa les sourcils. Les lauriers firent déborder le vase. Cela ne pouvait plus continuer. Les adeptes, les touristes, les passants même ne pouvaient plus faire de procession jusqu'au tombeau d'un imposteur. Elle avança. Arrivée au tombeau, elle ne sut que faire. Alors, elle toucha ce mensonge. Elle l'effleura de la main. Une sirène sortit soudain de nulle part et se fit un devoir de lui vriller les tympans.