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Anaïs Chartier, une plume, des histoires...
Anaïs Chartier, une plume, des histoires...
31 décembre 2010

Note de Roman

L’occupation était machiavélique ; quand j’y pense à présent, il avait dû sacrément réfléchir pour aboutir à ce résultat final. C’était du grand art. C’était tout lui, ça.

Il prit ma copie sans rien me demander, la lut en deux minutes, puis me regarda en faisant une grimace de dégoût :

- Mmmh… Pas terrible, hein ?

Je le regardais, les yeux plein de stupeur. Je retenais avec peine le “ mais, vous vous foutez de moi ? rassurez-moi : c’est une blague ? ” qui me brûlait les lèvres. J’émis des doutes sur mon ouïe : non, ce n’était pas possible, je n’avais pas compris. J’avais mal entendu. Ce qu’il m’avait dit ne pouvait pas être, je cite : “ Mmmh… Pas terrible, hein ? ”

Il m’avait terrassé, comme Saint George terrasse le dragon. Il avait observé, jugé et condamné mon travail en deux minutes. Le pire, c’était ce “ hein ? ” qui requérait mon approbation. Je restais muet. J’étais occis. L’ogre avait le triomphe écrasant.

J’avais envie de pleurer, mais décidais de ne pas lui faire cet honneur. Il fallait que je tienne jusqu’au bout en le regardant droit dans les yeux. Je gardais la tête froide, le toisant, me grandissant mentalement. Je voulais emplir la pièce. J’encaissais ; mal, mais j’encaissais. J’essayais de ne pas regarder mon cadavre au sol. Il était ensanglanté, couvert de poussière et blême, pâle gladiateur mort au combat car l’empereur a baissé le pouce - mais je l'ignorais. en ayant même pas jeté un Sil à ma dépouille qui traînait dans la fange - : “ pourquoi m’as-tu abandonné ? ”

Je me concentrais sur Hugo, et je jure que j’ai pensé, alors que le bourreau retournait à son bureau, de sa démarche traînante

Tous les poètes le disent : on tue ce que l’on aime. L’inverse est aussi vrai. On aime tellement qu’on idéalise. Quand l’accident arrive - la note révélatrice, le Baccalauréat, l'avis de l'expert, la perversion du prof - on est seul et occis à jamais.- nombreux étaient les moyens. Il y aurait même de la beauté, de la splendeur dans mon geste. Mais j'avais un venin dans les veines : celui de la vie.

Face à cette situation intolérable, nombreux sont les adolescents qui auraient mis fin à leurs jours. J’avais, du reste, moult méthodes : la noyade dans la Seine, la pendaison sur un arbre du jardin du Luxembourg, l’ouverture des poignets dans une église, les pilules en haut de la tour Eiffel

Vivre : c’était peut-être la pire de mes morts. C’était, de loin, la plus admirable.

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