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Anaïs Chartier, une plume, des histoires...
Anaïs Chartier, une plume, des histoires...
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31 janvier 2012

Lundi, j'arrête - incipit

Bien que je l'ai écrit, je ne cautionne évidemment pas ce texte.

 
 
          Il y aura toujours des gens qui sont là uniquement pour foutre en l’air votre vie. On dirait qu’ils ont été créés explicitement pour cela. En plus, des fois, ces gens ne vous connaissent pas. Vous ne les connaissez pas non plus. Mais ils existent, et ce n’est pas de nature à vous aider - à quoi ? À rien. Si j’étais parano, je croirais même qu’il existe une secte appelée « Tout faire pour ruiner le bonheur de Tatiana Zzubrowska », composée à 100% d’hommes, ceux sur les quels je flashe, et qui auraient reçu des instructions dans ce sens. Je les imagine bien en rang d'oignon, à la naissance pourquoi pas, et recevant un genre de tract. Mais bien sûr, je ne suis pas paranoïaque, je sais bien qu’aucune secte ne porte en son nom mon patronyme imprononçable, et encore moins écrivable. Je sais bien qu’aucune personne n’agit pour me blesser. Les gens le font simplement sans le faire exprès, ou, pire sans s’en douter.
          Non, je ne suis pas parano. Je suis onychophage. Je souffre d’une maladie au nom compliqué qui touche pourtant énormément de monde. Onychophagie. C’est un mot scientifique qui signifie que je me ronge les ongles. Pourquoi se bouffer, se porter ses mains aux lèvres et grignoter ? Je ne meure pas de faim, mon frigo est rempli, et je ne suis pas cannibale. Alors, pourquoi ?
          Avant, j’étais angoissée, et par ce geste, je réduisais quelques peu mes angoisses. Enfin, c’est-ce que disent les médecins. Je ne suis pas consciente de cela, ni même que je me ronge les ongles. Je ne le décide pas ; je m’en rend compte quand je suis en train de le faire. Combien de fois me suis-je surprise un doigt à la bouche, tirant sur une peau, ou grattant en cadence l’ongle du pouce ? Combien de fois ai-je hait ma petite personne, pour cet acte d’autodestruction ? En plus, soyons francs, c’est dégueulasse, ma main traine partout, sur la rampe de l’escalator, la barre du métro, les journaux qui gisent sur les sièges RATP - et je n’évoque là que ce que mes mains touchent dans les transports en commun. 
          Et puis, j’ai essayé d’arrêter. Mais comme les fumeurs, c’est impossible. Pire encore : le fumeur peux s’acheter des patches et jeter ses paquets de clopes à la poubelle. Hélas, pas de patches pour l’onychophagie, et je ne peux quand même pas m’amputer les doigts. La motivation était bien souvent absente. C’est peut-être pour cela que je n’ai jamais vraiment arrêté. Une fois, je me suis arrêtée. J’étais fière : c’était parti tout seul. Mes doigts étaient beaux. Fini les ongles courts, les mains que l’on veut cacher, fini les bouts des doigts rouges, et parfois sanglants, j’avais enfin de belles mains, blanches, longues, parées de fins doigts gracieux comme les danseuses d’un ballet russe. Je ne l’avais pas décidé fermement. Un matin, je me suis dit : « pourquoi ne pas essayer ? » Et à mesure que mes phalanges embellissaient, je n’y touchais plus. 
          Et puis, allez savoir pourquoi, ces nouveaux doigts si beaux, ils n’ont pas duré longtemps. Un soir, alors que je regardais la télévision - une idiotie sans nom, certainement, je n’ai pas en tête de programme culturellement transcendant - mes vieux démons ont repris le dessus, et j’ai foutu en l’air en dix minutes ce qu’il m’avait fallu obtenir en plusieurs semaines d’abstinence. Ca m'arrive souvent, de tout ficher en l'air en dix minutes chrono. A croire que j'aime bien. 
          Plus tard, j’ai eu beau réessayer, mais c’était impossible : j’avais besoin de me ronger les ongles, de sentir ce picotement (euphémisme pour déchirement) à chaque fois que je mangeais une orange. C’était trop tentant, et rien ni personne ne pouvait me faire changer d’avis. Jusqu’à ce que je Le rencontre. 
          Tomber amoureux est la seconde cause de folie en France. C’est une maladie mentale, ça : imaginez, s’enticher d’une personne de sexe opposé, qui aime ce que vous n’aimez pas, le foot par exemple (je sais que ça concerne beaucoup de monde), qui boit des bières, qui mate les jupes des filles, voire pire - un mec, quoi ! Y penser la journée entière, ne pas pouvoir s’endormir la nuit parce qu’on y pense encore, le regarder du coin de l’œil en rêvassant, perdre son temps. Perdre son temps ! Quelle idée ! Faut-il être dingue pour manger comme quatre, puis jeûner car on a une boule au ventre, perdre le sommeil, désirer un être absent, lui parler dans sa tête ; une véritable pathologie, que les spécialistes devraient classer parmi les plus sévères. On devrait nous enfermer pour cela. 
          L’amour, au risque de décevoir les gens, ce n’est pas beau. C’est même très moche. Aimer, c’est ne plus dormir, c’est se faire râper le cœur, c’est suffoquer quand l’oxygène court pourtant partout autour de soi. On m’explique que certains couples s’aiment : c’est faux. Les histoires d’amour finissent mal. Parfois, elles commencent mal, car elles ne commencent pas. Mais un amour heureux, pardon, mais ce n’est pas un amour. Au mieux, c’est une blague carambar. Deux personnes qui s’aiment et qui vivent heureux, ça n’existe pas. C’est illusoire. C’est chimérique. C’est comme le prince charmant : une légende urbaine. 
          Tomber amoureuse c’est la deuxième maladie dont j’écopais. Tomber est le terme juste, en fait : ce fut un choc. Je me fis même très mal. Des bleus, des fractures et des contusions multiples. Preuve, s’il en fallait une, que l’amour est malheureux. Quand on entend « tomber amoureux », on s’imagine, je ne sais pas, qu’un nuage cotonneux est là pour réceptionner notre chute. Malheureux innocent : ce qui attend tout un chacun, c’est un chemin de ronces et de cailloux. Les plus chanceux se fracassent contre un matelas fin, genre le tatami du cours de sport - il est là pour que l’on n’ai pas peur, mais honnêtement, il ne protège pas grand-chose. 
          Derechef, je décidais d’arrêter. Pour Lui plaire. Et bien sûr, cela ne marcha pas, car s’il suffisait de cesser de se détruire pour plaire à quelqu’un, ça se saurait. Et si ça c’était passé correctement - je lui parle, il me répond, on va au café ensemble, puis au ciné, puis au restaurent, puis dans sa chambre, puis dans notre studio, puis à l’autel, puis à la maternité - ce manuscrit ne serait tout bonnement pas. 
          Donc j’ai une nouvelle fois repris mon activité hygiénique, car je ne savais affirmer mon amour à l’objet de mon désir incommensurable. C’était d’autant plus idiot qu’ « on » ne m’aurait pas mangée en pleine rue. « On » ne m’aurait pas tabassée non plus. Mais « on » aurait pu me faire bien plus de mal. Je préférais m’en faire moi-même. 
          Mais ce n’est pas le bon début. J’ai toujours rongé mes ongles, et je n’en suis pas où je suis parce que je suis tombée amoureuse. Ce n’est qu’une des causes de ma déchéance. En fait, il faut remonter plus loin que le ... (premier jour du reste de ma vie). Il faut remonter début septembre de la même année, quand je suis devenue urbaine. 
 
***
 
          Devenir parisien, quand on a toujours été provincial, c’est comme tomber amoureux. On est dans un état de transe, et on ne se rend pas compte que cela peut nous détruire si on n’y prête pas attention. J’étais cette provinciale attirée par Paris comme un moustique par ces lampes bigarrées qu’on met sur la terrasse l’été. 
          J’avais toujours voulu devenir parisienne. Aussi loin que je me souvienne, je souhaitais devenir cette femme engloutie dans la foule grise, je voulais me perdre dans les couloirs du métro, je voulais courir dans les flaques d’eau. Je voulais aussi rencontrer l’amour, mais ça n’était pas une priorité. Ca c’est fait, tout seul, sans que je ne le cherche. C’est sûrement un des effets secondaires de Paris. Ca arrive à tout le monde, ce genre d'égarement. 
          Je n’avais pas d’idée exacte de ce que je voulais faire, à Paris. Ecrire était dans mes priorités. Mais pour le boulot, c’était au plus offrant. Je pouvais bien être interprète, traductrice, journaliste ou poinçonneuse des Lilas, ça m’était bien égal. J’avais tout de même une préférence pour le journalisme, ou l’interprétation. Après trois années acharnées à étudier les langues à Bordeau, dont un an passé en Autriche, je réussis le concours d’entrée dans une école de com'. Le Saint-Graal à portée de mains. 
          J’avais pour cela bataillé ferme. Finalement, 2011 restera une bonne année. Quoi qu’il advienne, j’y avais tout vécu, du plus beau au plus triste, des envolées de l’amour au désespoir de l’attente. J’avais souffert, et j’avais découvert le bonheur dans des choses simples. L’expérience autrichienne avait été sympa, mais pas aussi bien que l’émotion débordante qui m’assaillait à chaque fois que je rentrais en France. J’ai des visions de moi, la larme à l’œil en reconnaissant ce paysage français typique. Mon cœur se gonflait lorsque j’entendais « revoir Paris », « Douce France » ou « j’ai deux amour ». Et, masochiste, je les écoutais en boucle. Des ruisseaux de larmes ont coulé, en 2011.
          Revenir en France, c’était rentrer chez moi. Mais chez moi, c’était un espace variable : Paris, c’est vite devenu chez moi aussi.
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Commentaires
B
J'aime ton texte. Pourquoi ne le cautionnes tu pas ? Est-ce au niveau du fond ? <br /> <br /> Pour ce que tu dis au début, sois juste méfiante des jaloux, je dirais même des jalouses. Certaines personnes ont tellement le sentiment d'être passées à côté de leur vie ou n'ont tout simplemet aucune perspective qu'ils s'emploient désespérement à vouloir casser ton bonheur. Surtout ne pas afficher la moindre esquisse de sourire : nuit gravement aux autres. * rire jaune* <br /> <br /> <br /> <br /> -------------------------------------------------------<br /> <br /> <br /> <br /> J'espère que tu repasseras par ici dans peu de temps, j'appréciais sincèrement nos conversations. <br /> <br /> <br /> <br /> Littérairement
H
Texte très long mais que j'ai lu de bout en bout. Passionnant au point que chaque ligne donne envie de lire la suivante.<br /> <br /> J'ai réussi à me débarrasser de cette manie et m'achetant un coupe-ongle et je les taille ras, très très ras.<br /> <br /> Mais je reconnais que j'ai repris et que je ne me coupe plus les ongles.
B
ah se ronger les ongles, moi aussi, j'en fus malade et pendant très longtemps, et maintenant je suis en phase terminale ou plutôt ce sont mes ongles qui le sont devenus; Heureusement pas besoin de bcp d'ongles pour pouvoir écrire, que ce soit avec un stylo ou un clavier... En tout cas, un texte très agréable avec une petite dose d'humour, juste ce qu'il faut, un brin cynique. Oui raconte nous ton aventure parisienne car si tu t'en défends sur certaines parties de ton écrit, ton arrivée sur la capitale doit être le berceau de souvenirs délicieux.
C
Serieux j aime tes ecrits et j attends la suite de ton aventure parisienne. En effet tu es loin d etre la seule a avoir cette meme maladie de se ronger les ongles ;) continue d ecrire s il te plait merci :) une lectrice :D
Anaïs Chartier, une plume, des histoires...
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